une histoire…
Suite à plusieurs voyages au Burkina et au Mali, nous avons rencontré il y a 10 ans maintenant, Jean Pierre Guingané, directeur du Théâtre de la Fraternité, une des plus anciennes compagnies de théâtre d’Afrique de l’Ouest, née après l’indépendance. Le théâtre de la Fraternité est devenu en 1996 l’Espace Culturel Gambidi, espace unique à Ouagadougou, où formation, création et diffusion des spectacles se mêlent. Nous avions déjà été invités en 2005 au Festival de Théâtre et de Marionnettes de Ouagadougou qui se tient à l’Espace Culturel Gambidi. Nous y avions créé un spectacle de marionnettes, un conte érotique, « Afrodite ».
L’histoire que la compagnie entretient avec le Burkina est profonde et remplie de rencontres. Elle nourrit nos spectacles, notre façon de faire, nos envies de raconter le monde au-delà de nos frontières naturelles et intellectuelles.
Invités à nouveau à participer au Fitmo en 2007, nous avions l’envie de parler de ses liens. Des liens qui construisent nos deux cultures et nos sociétés. Si l’actualité nous rappelle que nos politiques d’immigration oublient cette histoire, elle touche les peuples africains dans leur cœur.
L’hypothèse farfelue que nous avons posée comme point de départ à la création du spectacle pour aborder les points de vue européens et africains sur l’immigration est l’’invention d’une course automobile au départ et avec des véhicules africains jusqu’à Paris. Miroir du tristement célèbre rallye le Paris Dakar qui depuis plus de vingt ans nous donne des images enjolivées d’une Afrique qui ne s’oppose jamais aux caprices de riches blancs. Seule une guerre « tribale » ou un risque d’atteinte à l’intégrité physique des concurrents peut arrêter ce rallye… jamais un accident de parcours où des enfants sont fauchés à toute vitesse.
Il nous a paru évident de faire entendre deux points de vue : celui du narrateur, un mécanicien africain, initiateur de cette aventure et de l’autre la voix de la radio française. La radio présente au départ la course comme une information amusante, une idée saugrenue mais qui peut faire sourire. Elle s’inquiète ensuite lorsque la course à réussi à traverser le désert de la sécurité de ces « pauvres africains » qui se laissent emporter dans une folie dangereuse. Finalement la radio relaie la peur et réclame l’autorité, la sécurité lorsqu’enfin la course parvient à gagner le sol français.
Le point de vue du narrateur est à la manière des conteurs, elle décrit les différents épisodes du voyage avec simplicité, les rencontres, les rêves, le désir de voir la Tour Eiffel...
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Nous avons donc conçu le spectacle comme une conférence nous permettant de mettre une distance quant au sujet traité et d’être au service d’une histoire racontée et présentée sous la forme d’une reconstitution.
Les deux points de vue étant donnée à entendre par bandes sonores et entrecoupées de musiques créés par les musiciens Mohammed Ouedraogo et Charles Diendéré de la Compagnie Yankadiy, et Zibiossé Sanou, balafoniste d’exception.
Si nous avons voulu fabriquer complètement ce spectacle à Ouagadougou, c’était à la fois pour être au cœur des préoccupations et des réalités de toute cette jeunesse africaine, intelligente, diplômée, courageuse qui rêvent de rejoindre l’Europe mais aussi pour se baigner et faire ressentir les couleurs, l’atmosphère, le temps, les gens qui font l’Afrique d’aujourd’hui. Une Afrique pleine de rêves et de cauchemars, qui regarde le monde avec désir et incompréhension…
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Les objets de départ de ce spectacle ont étés les véhicules, construits en matériaux de récupération. Les personnages ont été eux aussi fabriqués à partir de vieilles bobines de fils de fer et de cuivre. Des personnages gribouillés aux formes souples et simples, sortis d’un dessin, d’une feuille de papier noircie à la va-vite. Des marionnettes effigies, petites sculptures en fil, manipulées par aimants. Ce ne sont pas les mouvements des marionnettes qui nous importaient dans ce spectacle, les personnages sont les acteurs d’une reconstitution, d’un voyage qui se fait au moyen de véhicules. Leurs corps sont transportés dans différents environnement, dans d’autres décors, d’autres paysages. Les marionnettes ne parlent pas, elles témoignent de leur présence sur ces lieux et c’est par la voix du conteur que nous suivons leur périple et leurs sentiments.
Nous avons aussi poursuivi dans ce spectacle notre exploration des nouvelles technologies avec le vidéaste Sam Anderson.
L’image projetée nous permet de redessiner l’espace, de recréer les paysages traversés par ces véhicules : l’Afrique noire, le désert, le Maghreb, la mer et enfin la France.
Les images sont des dessins composés de formes simples, d’habitations ou de végétations. Les dessins sont une ligne, une direction visuelle sur laquelle roulent les véhicules. L’image se déroule au rythme de la course et de l’histoire racontée. Des mouvements de caméra ont aussi été créés pour suivre la traversée de la mer. Les véhicules passent devant l’image en volume mais aussi derrière l’écran en ombres. Ces ombres manipulées permettent de jouer avec l’image déroulante, de la stopper, de changer le rythme. Une interaction qui plonge le spectateur dans une autre dimension, fantaisiste, décalée.
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